La capacité d’apprentissage doit être une des principales compétences d’une entreprise et d’un collaborateur : d’elle dépend l’ensemble des autres apprentissages. Autant dire qu’elle devrait être au Cœur des préoccupations des entreprises et de tous les DRH.
Deux auteurs japonais, H. Takeuchi et I. Nonaka , ont démontré que l’apprentissage est un processus circulaire infini.
« Si, dans un groupe donné, chacun sait quelque chose mais n’a pas conscience que ses partenaires le savent également, la révélation par un agent extérieur quelconque permet de transformer ces connaissances privées en une connaissance publique, ouvrant ainsi des possibilités inédites de débat et de changement. »
wikipédia
Michel Crozier
Après sa formation scolaire, un collaborateur sait des choses, dispose de connaissances, mais ne sait pas forcément qu’il les possède de part ses faibles expériences opérationnelles et par le fait d’un sentiment d’infériorité à chaque entrée dans une nouvelle entreprise. Son savoir est individuel et implicite. Afin de donner de la puissance à ce savoir, la première transformation implique qu’il faut lui en faire prendre conscience. Ainsi, il peut plus facilement mobiliser son potentiel, pour lui et/ou pour les autres. De tacite, son savoir doit devenir explicite.
La seconde transformation va de l’individuel au collectif. L’individu a conscience de savoir quelque chose, mais il ignore si les autres le savent. Tant que les membres du groupe restent dans cette ignorance, le groupe ne gagne pas en puissance. D’où l’intérêt de faire réfléchir les collaborateurs ensemble (AIC, groupe résolutions de problèmes, … ), afin qu’une connaissance devienne un capital du groupe et donc de l’entreprise. Si nous prenons, la culture Lean par exemple : vous arrivez dans une entreprise avec une formation ou un passage dans une entreprise où la culture Lean est installée, alors que cette notion ne l’est pas dans la nouvelle. Plusieurs phénomènes peuvent se passer. Vous gardez pour vous cette culture, en l’utilisant au quotidien, mais sans la partager, de crainte de vous sentir « en dehors » de la culture ambiante. Ou alors vous allez proposer des ateliers, des formations internes afin d’améliorer les pratiques et ainsi commencer à acculturer les collaborateurs au Lean.
Dans un cas, vous allez vous appauvrir sauf à faire l’effort individuel de rester en veille ou de vous former. Dans un autre cas, vous allez commencer à essaimer ( « Yokoten » ) votre connaissance tout en proposant de nouvelles pratiques. Et un troisième cas apparaît, le pire, vous allez entrer dans la nouvelle culture d’entreprise et occulter complétement votre savoir être, savoir faire de la précédente pour vous fondre dans le décor.
La troisième transformation consiste à rendre, de nouveau, implicite un savoir, à le transformer en routine ( AIC ). Ainsi, moins il devient une préoccupation et tend vers de la culture, plus le collaborateur peut se remettre en mouvement d’apprentissage pour acquérir d’autres savoirs.
La première boucle de l’apprentissage est bouclée et peut recommencer ce schéma à l’infini.
Comment une entreprise peut-elle intégrer ces principes dans ses pratiques ?
Les directions des ressources humaines et les services de formation devraient penser l’apprentissage dans la durée. Notamment dans le domaine des compétences clé que sont le management ou le leadership, et pas simplement sur la durée d’un stage, d’une formation. C’est davantage des parcours qu’il convient de construire que des modules intégrés dans une logique d’ensemble.La formation/action/reflexion reste votre meilleure arme. On ne transforme pas les collaborateurs, ils prendront conscience d’eux-mêmes de leurs forces et faiblesses pour progresser durablement.
Combien de fois avez-vous envoyé des collaborateurs en formation qui en sont revenu ravis et qui non pas mis en pratique ce qu’ils ont pu y acquérir ? Dommage !!
Il faut qu’il y ait différents niveaux d’apprentissage : pratiques, théoriques, par échanges entre pairs, avec des intervenants externes, en accompagnements individuels, en équipe, etc.
De nombreuses entreprises n’ont pas fait évoluer leurs pratiques, qui reposent sur des stages de formation dites » obligatoires ». Souvent peu mobilisantes pour les collaborateurs, elles sont vécues plus comme une contrainte que comme un véritable outil, un levier pour grandir personnellement. Alors qu’une quantité d’autres modalités existent (coachings individuels, coachings d’équipes, groupes d’analyse des pratiques, conférences, ateliers d’approfondissement, etc.). Encore relativement peu utilisées alors qu’elles sont souvent moins coûteuses et plus efficaces.
Toutes formations qui ne débouchent pas sur des actions concrètes sont vouées à l’échec. Mêmes sur des formations de prise de conscience ( Comportements routiers, … ) les effets sont de courtes durées et pas salutaires sur le long terme. Les seules réelles formations impactantes ne peuvent que se concevoir sur la durée avec un mélange de formations/ateliers pratiques ou de formations/actions avec un suivi personnalisé pour les managers et chefs de service.
Avec les réformes successives de la formation et l’individualisation des parcours, les pratiques et les modalités de formations vont devoir se transformer. La connaissance individuelle deviendra plus importante que la connaissance collective. Si des schémas de partage, d’échange ou d’auto-apprentissage ne sont pas mis en place, les connaissances des entreprises, vont s’appauvrir, et des collaborateurs se démotiver par la non-application des pratiques. Alors que le potentiel et les compétences individuelles vont, elles continuer à croître.
Quelles que soient les modalités, les deux principes-clés en matière d’apprentissage sont :
une inscription dans la durée : des compétences, des pratiques, des savoir-faire nouveaux ne s’acquièrent pas en une fois et surtout par la pratique,
Une plus grande variété possible dans les modalités proposées : formation « classique », binômage, conférences, tutorat, coaching individuel et d’équipe, transfert de compétences du manager ou d’experts, lectures, webinaires, MOOC… .
Les transformations de la culture d’entreprise viendront de plus en plus de la qualité et de la formation des acteurs en place. Si les grandes orientations continueront à passer du haut vers le bas, la connaissance elle va ruisseler de façon transverse : des managers vers les collaborateurs et des collaborateurs entre eux.
Dés aujourd’hui, le choix des modalités, des types et des formes de formations pour vos collaborateurs conditionnera les capacités futures de votre entreprise et de vos collaborateurs à s’adapter, croître, progresser demain, ensemble.
On retiendra :
- L’apprentissage est et sera nécessaire tout au long de notre vie professionnelle.
- L’essaimage de l’individu vers le groupe reste une clé de développement fort dans les entreprises.
- Rester sur des vieux schémas de formation n’est que jeter l’argent par les fenêtres.
- La transformation de culture d’entreprise sera principalement le fait des acteurs.
- La formation est un réel levier moteur de votre performance.
Restons formés, informés, et innovant sur les méthodes d’apprentissage.
J. Keire
theos.fr
Pour aller plus loin:
Livre :I. Nonaka, H. Takeuchi, La Connaissance créatrice – La dynamique de l’entreprise apprenante.
Les MOOC :
https://mooc-francophone.com/
https://www.my-mooc.com/fr