Même si souvent la prévention santé n’est pas l’enjeu majeur dans nos entreprises, il est clair qu’elle ne laisse plus personne indifférente. L’accroissement des maladies professionnelles et du mal-être de nos collaborateurs face à leur travail, l’absentéisme et la hausse des taux AT/MP, nous obligent, au-delà des aspects réglementaires et à remettre en cause nos systèmes de prévention santé sécurité pour le bien-être de tous. Et même pour certains commencer tout court.
Passé ce constat, comment puis je savoir où je me positionne dans la démarche de prévention ?
C’est à cette question qu’a tenté de répondre la société Dupont et qui a forgé depuis de très nombreuses années une stratégie, pour permettre aux entreprises d’accéder au travers de la prévention à l’association de la prévention santé, à la performance et à la rentabilité.
« Prévention – Performance – Rentabilité »
La courbe de Bradley
La courbe de Bradley, développée en 1994 par M. Bradley dans le groupe de recherche canadien DuPont, permet d’appréhender facilement les changements de mentalité et de comportement nécessaires pour développer une réelle culture de sécurité durable.
La courbe de Bradley se découpe en 4 étapes ou stade d’avancement dans la culture prévention. Ces étapes définissent l’implication et l’état d’esprit des collaborateurs face à la sécurité.
- Stade réactif
Les collaborateurs ne se sentent pas concernés. Ils agissent plus par instinct et considèrent que les accidents sont inévitables.« Il faut faire attention quand on travaille ».
- Stade de dépendance
La sécurité s’apparente à l’obéissance. Les collaborateurs pensent que la sécurité consiste à suivre les règles élaborées par la hiérarchie. Le nombre d’accidents diminue et la direction considère que la sécurité pourrait être contrôlée « si seulement les gens suivaient les règles ».
- Stade d’indépendance
Les collaborateurs se responsabilisent. Ils prennent conscience des enjeux de la sécurité . Que ces enjeux sont importants pour leur santé et leur sécurité, qu’ils peuvent améliorer la situation par leurs propres actions, ce qui réduit davantage le nombre d’accidents.
« Améliorer la situation par leurs propres actions »
- Stade d’interdépendance
Les collaborateurs sont dans l’appropriation ; ils deviennent acteurs de leur propre sécurité et de celle de leurs collègues. Ils ne prennent pas de risques. Ils appréhendent la sécurité comme une question collective et discutent activement avec les autres pour comprendre leur point de vue. Ils estiment qu’une véritable amélioration n’est possible que s’ils agissent comme un groupe et que l’absence totale de blessures est un objectif réalisable.
Si la courbe de Bradley permet donc de savoir où l’on se situe, elle permet avant tout de mesurer le chemin à parcourir. Elles est le pendant des actions ou inactions mise en place par l’entreprise dans ces domaines.
Nous allons donc tenter mettre en exergue à quels stades de maturité les collaborateurs (et l’entreprise) sont, afin de vous éclairer dans les actions à mener à chaque étapes ainsi que les points de vigilance.
- Stade réactif
l’entreprise se préoccupe peu de la prévention des risques, pour certaines elles ont réalisée leur évaluation des risques par le document unique, qui sommeille au fond d’un tiroir. La pression des obligations réglementaires et les accidents constatés font mettre en place certaines actions, dont l’efficacité n’est pas mesurée et souvent pas menée à terme.
Parfois un responsable sécurité ou IPRP a été désigné, mais ce n’est qu’une fonction secondaire avec peu d’implication de la part de la direction.
Risques pour l’entreprise :
Continuer à avoir un nombre croissant d’accident de travail et d’arrêt maladie.
Un désengagement progressif de ces collaborateurs qui implique des arrêts factices, une perte de solidarité, des incompréhensions pouvant aller jusqu’au conflit.
Un responsable sécurité «factice», lorsqu’il existe, peu ou pas reconnu, dont le pouvoir de décision et son implication restent faible, quasi inexistant.
- Stade de dépendance
La direction est un peu engagée, du moins a mis en place des moyens humains et matériels. l’entreprise a mis en place une démarche de prévention. Son évaluation des risques lui a permis de mettre en place des actions ciblées. Au même titre que pour son systeme qualité, dont souvent la responsabilité est portée par la même personne. Des consignes et des procédures existent. A chaque accident, une enquête est réalisée, suivi par un plan d’action qui peut être mené a son terme. Souvent cela se traduit par une nouvelle procédure ou un rappel à la consigne existante .
Risques pour l’entreprise :
De très nombreuses entreprises sont à ce stade. Il y à donc un responsable, on suit des indicateurs , non de performance, mais de cout ( taux AT, fréquence, gravité) . A chaque accident on remet un peu de pression sur le responsable ( sécurité et manager), qui se protège par de nouvelles consignes «écrites» .
L’entreprise se sent «protégés», se targue même d’une certaine maîtrise. Les collaborateurs appliquent les procédures sous peine de sanctions, pas de participation active encore moins d’engagement.
Le responsable sécurité, souvent cumular, traite la sécurité par la veille réglementaire et par la force des évènements. Le discours est plus ou moins entendu, la responsabilité reporté sur le manager qui est le garant du respect des procédures. A ce stade, pour les plus grandes entreprises, les représentants du personnels ou pu prendre le pouvoir sur le sujet sécuritaire et en faire des revendications. Il faut être attentif à ce type de comportement, la prévention santé ne doit pas être l’otage de revendication, elle se doit d’accompagner les entreprises et les conditions de travail vers la croissance, et non des luttes de pouvoir qui donnerait des résultats inverses.
- Stade d’indépendance
l’entreprise a mis en place une vraie stratégie de prévention des risques. Au dela des aspects réglementaires, il y a une communication forte sur le sujet, avec de l’interaction. Les collaborateurs sont acteurs dans les décisions ou du moins dans les actions les concernant. Même si la démarche reste centrée sur soi-même ( je fais attention à moi). Il en ressort une appropriation du sujet, d’une plus grande attention à ses propres actions. Les collaborateurs se sentent sereins, plus en confiance et considérés. L’amélioration continue est présente.
Risques pour l’entreprise :
les risques sont moindres, mais il ne faut pas négliger l’aspect «engouement» pour la démarche sécuritaire sur les aspects économiques de l’entreprise. Savoir commmuniquer et séparer l’urgent de l’important et de remettre en perspective le groupe à defaut de l’individu. Savoir aussi mettre en perspective la temporalité avec des écheanciers en fonction des autres projets de l’entreprise. Ne pas avoir peur de dire «Non» ou plus tard mais avec le « Quand », biensur.
Si tout le monde, voudrait un feel good manager à plein temps, des massages entre midi et deux, une salle de sport et un coach sportif à disposition, il faut savoir mettre la réalité des désirs de chacun à la bonne place.
- Stade d’interdépendance
La stratégie sécuritaire fait partie de la stratégie d’entreprise. L’entreprise possède une vision moyen / long terme, est impliquée dans la fidélisation de ses collaborateurs. L’entreprise a compris et fait comprendre que la performance de l’entreprise passera par la performance de ses collaborateurs. Les démarches d’amélioration continue participative sont normalisées et suivi d’actions concrètes, valorisées voire challengées. Les collaborateurs par groupe se benchmarkent et partage sur les best practices. On touche de prés l’utopie, ou juste à du bon sens, je vous laisse juge.
Risques pour l’entreprise :
les risques sont faibles, l’engagement des collaborateurs s’inscrit naturellement dans le fonctionnement . Les collaborateurs ne sont plus spectateurs mais acteurs et se préoccupent de leur sécurité, de leur bien être mais aussi sont à la recherche d’amélioration de leurs fonctions. Le responsable sécurité a plus une fonction d’animateur ou de référent. Aussi un fort rôle d’arbitrage pour garantir le système, remotiver les secteurs ou services en perte de vitesse et assister les managers dans leur démarche.
Le plus grand risque est l’essoufflement, car en effet, ce type de management est souvent l’affaire de personne ( dirigeant, manager, …. ) . A leur départ ou mutation, si la culture n’est pas inscrite profondément dans la société, Il y a de forts risques qu’elle ne perdure pas. Ce type de management est aussi fragilisé quand les objectifs économiques ne sont pas bons ou les perspectives de l’entreprise délicates. On a souvent tendances a se replier sur soi-même et à masquer par la communication les craintes à venir. Dommage, les collaborateurs sont à maturités de comprendre et souvent de donner, si ce n’est les concessions nécessaires à une relance, voir des axes fort d’amélioration et de donc d’efficience.
Peu importe le stade où vous en êtes, et quels sont vos objectifs, l’important est de le savoir. Savoir se positionner, être honnête par rapport à sa situation et pas se voiler la face par un responsable « factice » ou des tonnes de procédures devant vous protéger en cas de soucis juridiques.
La prévention santé sécurité est plus qu’un enjeu, mais bien une stratégie forte de l’entreprise permettant de renouer avec l’engagement, la performance économique et sociale.
On retiendra:
- La courbe de bradley permet de se situer et de situer la maturité de la prévention dans l’entreprise
- Il est important de savoir où l’on est avant de vouloir savoir où aller.
- Se donner des objectifs irréalistes ( type: zéro accident ) est un non sens
- La démarche de prévention reste de la culture qui requiert du temps.
- La bienveillance et la stratégie gagnant-gagnant vous permettra d’atteindre vos objectifs
Restez honnéte, sachez vous situer et tenir le cap.
j.Keire
theos.fr
Pour aller plus loin:
le site Dupont